Marie Louise Wandji : « Nous faisons l’action sociale préventive »

Présidente de l’association des conseillers en économie sociale et familiale du Cameroun, elle revient sur l’utilité de cette filière dans ta société.

Vous avez passé 3 jours à Douala pour un congrès, il a été question de quoi?

Les discours officiels aujourd’hui parlent de l’inadéquation, entre la formation et emploi. Nous allons parler non seulement de cette inadéquation mais également nous attirons l’attention des professionnels de l’économie sociale et familiale sur le fait qu’il y a l’inadéquation entre la formation et leur vie professionnelle, familiale, communautaire. Parce qu’en économie sociale et familiale, les compétences commencent en famille. Puisque ce sont les mêmes compétences que l’on utilise à plus grande échelle au niveau des administrations, des entreprises ou au niveau du secteur privé. Ces compétences, nous avons choisi la nutrition pour servir de support. La filière économie sociale et familiale est la seule filière qui donne des outils pour toutes les étapes de votre vie privée et professionnelle à la fois. Ce qu’on va apprendre à l’école, c’est ce qu’il sera utilisé à l’intérieur de la famille/ménage et à l’extérieur à plus grande échelle. Si vous êtes cancre dans votre maison, sans même le vouloir vous le seriez à l’extérieur. La famille est la plus petite unité sociale et économique, alors ces compétences qui vous servent au niveau de la famille sont les mêmes à l’extérieur. Ce congrès est personnalisé parce que souvent les séminaires et ateliers sur les compétences, sont faits de manière générale.

Quel est le constat qui est fait aujourd’hui sur la filière économie sociale et familiale ?

C’est cette opinion qui dit toujours que quand tu fais économie sociale et familiale c’est bonne sauce. Il y a beaucoup de responsabilité à cela. Je. ne réfute pas le ( fait que nous faisons fa sauce, mais je dis, nous la faisons avec les compétences appropriées. Ce qui vous évite par exemple des maladies de la malnutrition (surpoids, obésité, hypertension, surplus et carences de toutes sortes, manque d’hygiène alimentaire…). Sur le terrain, on a des jeunes qui font cette filière, qui souffrent.de l’opinion évoquée ci-dessus. Même les formateurs et des enseignants n’en sont pas épargnés. Quand c’est une opinion où la majorité vous écrase, il faut avoir une force de caractère pour s’en sortir et prouver le contraire. Et il faut trouver une personne qui vous donne la force de croire en vous et c’est pour cela que les jeunes, les formateurs et enseignants de cette filière ont souvent du mal à se détacher de cette opinion. Quand on se retrouve entre nous, on a des éléments pour dire que cette image est la fausse. Quand vous faites économie sociale et familiale et que vous êtes sensibilisés à la vie comme nous,  vous allez vous en sortir sur plusieurs choses, parce que nous faisons l’action sociale préventive. Nous avons la culture d’anticipation et d’adaptation. C’est l’historique de l’économie sociale qui nous suit, introduite il y a près de 100ans par les missionnaires. Mais, aujourd’hui, les mutations sociales diverses ont aussi changé notre approche et les contenus. En plus du fait qu’aujourd’hui ce qui compte le plus, ce sont les finances, nous sommes ainsi négligés. Dans l’histoire, ce sont les premiers colons qui ont commencé à former les épouses de leurs employés. Les religieuses ont commencé à former les femmes sur l’hygiène, comment gérer la maison, et elles ont créé des instituts pour former les femmes au mariage. On souhaite que contrairement aux dispositions légales en la matière, que la formation se fasse dans le secondaire et par thème sur les préoccupations de vie courante. Après le baccalauréat la spécialisation suivrait un tronc commun de 2 ans. Si on garde le systme tel qu’il est actuellement au Cameroun, il faut revisiter la formation des formateurs, séquencer les contenus par niveau ou par cycle ; et éviter de répéter les mêmes contenus dont les étudiantes se plaignent.

Dans un environnement où se développent des stigmatisations autour de la filière, quel est l’objectif visé par votre association ?

Nous avons trois objectifs, la promotion de la filière ESF, la contribution au renforcement des professionnels de l’économie sociale et familiale et la contribution de l’ESF à l’atteinte du bien-être des populations pauvres et vulnérables. Par exemple le projet qui est là actuellement, l’accès des femmes pauvres au pouvoir d’achat et à la sécurité alimentaire a trois volets principaux. Il y a » la nutrition,   l’entreprenariat et il y a l’encadrement de la jeune fille, dans le cadre de l’autonomisation de la jeune fille et de la femme. On a des cadres de référence que nous respectons, à l’exemple du DSCE, la politique à genre à du Minproff et la loi d’avril 1998 qui en son article 5 qui parle de l’économie sociale et familiale, et les Objectifs du Développement Durable. En sommes, nous nous appliquons à rester dans le cadre de la politique nationale qui vise la promotion des filles et des femmes. Nous nous appuyons sur les activités qui nous permettent de contribuer à la mise en pratique de cette politique. L’association a été créé en 1992, et les trois objectifs, déconstruire l’image qui s’est faite autour de la filière Esf, montrer en quoi nous participons à l’économie nationale. L’économie sociale et familiale est un cas pour l’économie, car l’économie sociale vise à l’équité, la gestion équitable de la socièté, d’ailleurs nous parlons de l’économie qui tient compte . ue l’environnement, de la personne humaine, éviter l’exclusion sociale. Mais on a du mal également parce qu’au sein de nous, nous ne donnons pas toujours la meilleure image, du fait de certaines insuffisances, parce que avant on nous formait avec des programmes faits ailleurs. Ici nous réinventons l’économie sociale et familiale. Nous voulons quitter l’étape des recettes ou économie ménagère; pour passer au stade de la réflexion de l’analyse pour faire avancer. Nous essayons de trouver les stratégies et les outils pour faire autrement et mieux. On fait de l’analyse, on a de la créativité, on s’adapte au monde. Une vraie économie sociale sait faire des réajustements. L’ajustement structurel commence à la maison.

Propos recueillis par
Lucienne Wouassi

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