Quand la division gagne la Famille camerounaise

La Journée internationale dédiée à la famille se célèbre ce vendredi, 15 mai. Occasion pour pères, mères et leurs progénitures associés aux oncles, tantes, cousins, cousines et autres grands-parents de se retrouver. Qui autour d’un bon repas arrosé de boissons toutes aussi bonnes, qui autour du Seigneur pour célébrer cette grâce. Mais combien de familles saisiront véritablement cette opportunité ? C’est que dame discorde a investi certaines, les laissant quasiment en lambeaux, quand elle ne les a pas tout simplement réduites à leur plus simple expression.

« Cela fait maintenant 10 ans que ma famille, tant du côté paternel que du côté maternel, est divisée. Mon père et ma mère ne traitent absolument de rien avec leurs frères et sœurs. Nous vivons donc en autarcie. Qu’il y ait deuil, mariage ou tout autre événement heureux chez les autres, nous n’y prenons absolument pas part. Cela me dérangeait beaucoup au début de ces conflits, mais je me suis habituée. Je croise des oncles, tantes et des cousins dans les rues, sans qu’on ne se dise bonjour. J’avais une cousine directe dans ma classe en début d’année, elle a dû demander à être transférée dans une autre classe : la situation l’incommodait apparemment », avoue Xaverie N., lycéenne de 18 ans.

Pourtant réputée durable, de par ses valeurs de solidarité inculquées dès le berceau, la famille africaine semble avoir payé un lourd tribut à la montée d’individualisme hérité du monde moderne. « Chez mes parents, nous n’étions pas moins de vingt à la maison, aussi loin que mes souvenirs remontent. Mon père et ma mère ne gagnaient pas des milliards, enseignants qu’ils étaient. Mais, ils avaient à leur charge tous leurs cadets et même des cousins éloignés. J’ai été choquée qu’une fois « arrivé », un de mes oncles maternels déterre la hache de guerre, ne voulant voir aucun des miens chez lui. Je vis dans la hantise quotidienne de mieux réussir que ses enfants, pour leur faire payer tout ce qu’ils ont fait subir à mes parents », avoue Sylvain O., étudiant dans une institution universitaire privée. C’est clair, la famille est en train d’aller à vau l’eau. Elle ne cesse de vaciller avec les querelles intestines et l’apparition de la crise économique. Avec cette dernière en particulier, les haines sont plus manifestes et viscérales.

« Souvent, tout part des broutilles ou de vaines jalousies. J’ai, par exemple, ma tante maternelle qui est décédée récemment du Sida. Mais, mes oncles et tantes n’ont rien trouvé de mieux que d’accuser ma mère de l’avoir tuée dans la sorcellerie. Ce qui est ridicule, car elle a hébergé et nourri chacun d’eux chez elle. Il se trouve simplement que les enfants de ma mère ont tous réussi et travaillent dans des multinationales. Ce qui n’est pas du goût de tous », confie Géneviève G. K, haut cadre dans une entreprise agroalimentaire. Beaucoup s’inquiètent de voir ces phénomènes métamorphoser radicalement, à terme, la famille et diluer l’appartenance à la structure. L’on comprend dès lors l’importance de la journée internationale instituée par l’Assemblée générale des Nations unies. Il s’agit d’évaluer les défis auxquels la famille fait face, pour mieux stimuler les initiatives nécessaires pour la perpétuer

Yvette MBASSI-BIKELE
Cameroun Tribune, 15 Mai 2015
 

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