Xaverie P., 28 ans, a six enfants et attend un septième. Alors que sa famille et sa belle-famille se réjouissent qu’elle soit si prolifique, elle n’est pas heureuse de la venue de cet autre bébé. Inquiète, elle se demande au contraire comment empêcher sa prochaine grossesse. « Je me sens claquée. Je n’ai aucun moyen de planifier mes grossesses. Mon époux étant enfant unique, il souhaite avoir beaucoup de gosses. Seulement, il ne tient pas compte de mon état de santé. J’ai, par exemple, deux enfants qui sont comme des jumeaux, car ils sont nés la même année : ça fait beaucoup de boulot, en terme de suivi et de prise en charge de toute cette marmaille. J’aurais aimé attendre au moins deux ans entre mes grossesses, mais rien n’est moins sûr car je n’ai pas accès au planning familial », avoue-t-elle, très ennuyée.
L’histoire de Xaverie P. n’est pas unique, elle est semblable à celle de 215 millions de femmes à travers le monde qui savent qu’elles ont besoin d’une méthode contraceptive moderne mais qui n’y ont pas accès. Et celles qui ne le savent pas sont encore plus nombreuses. Sur l’ensemble du continent, 25% seulement des femmes mariées ont régulièrement recours à la contraception. Chacune aura, en moyenne, près de cinq enfants au cours de sa vie et court une chance sur 36 de succomber pendant la grossesse ou l’accouchement. C’est pourtant un droit humain fondamental pour tout couple ou tout individu de contrôler sa propre fécondité et de décider du nombre d’enfants qu’il souhaite et de leur espacement.
Bien qu’elles soient les premières concernées, les femmes se voient souvent refuser ce droit, pour diverses raisons culturelles, légales ou religieuses. Un tel déni, qu’il soit officiel ou officieux, constitue une injustice à leur égard et est la cause de souffrances et de décès inutiles. Beaucoup espèrent en silence pouvoir bénéficier du planning familial, dont l’accès leur est prohibé dans diverses régions. Globalement, 30 à 36 % de femmes en union auraient voulu utiliser une méthode contraceptive, sans pouvoir satisfaire ce besoin. « Aidée par une voisine, infirmière dans un hôpital de la place, je me suis fait poser un implant. Quand mon compagnon l’a découvert, il m’a fait des problèmes. Nous avons pourtant cinq enfants que nous peinons à nourrir et à scolariser », témoigne Lydia E., 32 ans, ménagère à Yaoundé.
Les grossesses non-maîtrisées ont trop souvent pour conséquences des blessures, voire des décès maternels, et des bébés ou des enfants en mauvaise santé. Les décideurs et les partenaires au développement le savent. Raison pour laquelle l’UNFPA vient d’octroyer une aide de 2,5 milliards de F au Cameroun pour soutenir le projet de repositionnement du planning familial. C’est qu’au Cameroun, comme dans différents autres pays africains, le recours au planning familial constitue l’une des principales stratégies pour réduire la mortalité maternelle, ainsi que celle des bébés et des enfants, qui restent toutes élevées. Tout comme la fécondité des femmes dans certaines régions du pays et le taux de besoin non-satisfait en matière de planning familial
Yvette MBASSI-BIKELE
Cameroon Tribune, 18 Mars 2015