La famille camerounaise: les multiples visages

Rentrez dans le menu « image » du moteur de recherche Google, puis taper le mot « famille ». Vous verrez apparaître des images de familles – photos et autres dessins – avec le père, la mère et les enfants.

A ceux-ci se joignent éventuellement, un peu plus loin, les grands-parents, voire le chien ou le chat. Rarement, les oncles, tantes, cousins et cousines. Si les clichés ont manifestement la vie dure, la réalité sociale montre un paysage bien différent : en cinquante ans, le modèle de la famille nucléaire traditionnelle, même s’il reste dominant dans les esprits, a nettement reculé. Il a laissé la place à des formes plus diversifiées : couples mariés, concubins, « compagnonnage ». Familles séparées, recomposées, monoparentales et… homoparentales. Si, si, on est certes au Cameroun, mais les faits sont souvent en avance sur le législateur. Passons !

Donc, les évolutions contemporaines de la société ont fait éclater les cadres traditionnels de la famille. Historiquement, elle est la cellule de base de toute société. Mais, ce n’est plus une évidence pour tout le monde. On le voit aujourd’hui avec les débats qui se multiplient, relativement au sujet, dans les médias, l’opinion publique, les conférences internationales, les colloques. Le dernier en date, organisé les 8 et 9 mai derniers à Yaoundé par le ministère de la Promotion de la Femme et de la Famille, a été une autre occasion d’interroger cette entité. « C’est évident que la structure familiale au Cameroun a subi des mutations au fil des années, comme partout dans le monde. Aujourd’hui, l’essor considérable des foyers monoparentaux, l’augmentation des ruptures familiales et des remariages modifient profondément le paysage familial traditionnel, tout en ayant quelque chose d’inquiétant. De nos jours, plusieurs milliers d’enfants de moins de 15 ans ne vivent pas avec leurs deux parents biologiques. Quand on sait ce que de telles situations peuvent provoquer comme traumatisme, il y a de quoi se faire du souci pour notre société », relève un participant au colloque de Yaoundé.

Malgré tous les ratés dont elle est le support -femmes battues, enfants maltraités, comportements névrotiques, sorcellerie, surexploitation de certains, conflits divers, fragilisation des pères, incestes et autres abus-, la famille semble posséder une force d’attraction à laquelle personne n’échappe. « J’ai vécu une enfance très malheureuse. Mais, mon rêve a toujours été de fonder une famille et de corriger les erreurs de mes parents, en donnant de l’amour à mes enfants. Mais ça commence plutôt mal : le père de mon fils vient de me laisser tomber. Je n’ai cependant pas l’intention de baisser les bras, concernant le bonheur de cet enfant », confie Estelle B., étudiante de 26 ans. La multiplication des séparations a donné lieu au développement des familles recomposées, à l’apparition grandissante des fratries mosaïques. Ces nouvelles donnes complexifient les liens de filiation et posent nombre de questions juridiques. A côté des parents biologiques, s’ajoutent des figures parentales tierces qui nouent des relations affectives ou conflictuelles avec l’enfant.

Beaucoup s’inquiètent de voir ces phénomènes métamorphoser radicalement, à terme, la famille nucléaire et diluer l’appartenance à la structure. « Que la famille soit restreinte, élargie ou éclatée, elle constitue toujours une référence incontournable parce qu’elle témoigne encore de la singulière efficacité d’un artifice qui, seul, rend possible la survie de notre espèce : l’institution », assure un chercheur. Comme quoi, quel que soit le modèle, la famille survivra.

Yvette MBASSI-BIKELE
Cameroon Tribune, 15 Mai 2014

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