Supplices : Le calvaire des personnes âgées au Cameroun

Sans couverture sociale, aucune assurance maladie encore moins de pension vieillesse, certaines personnes du troisième âge du Cameroun, sont logées à très mauvaise enseigne.  

Nous sommes au quartier Nkomkana à Yaoundé. Dans une de ces bâtisses non lieu du cours d’eau ici appelé par altles riverains « Tabari ». Sur un tabouret installé à la terrasse, est assise une vieille femme. En vain, elle appelle ses petits-fils, confortablement installés dans les canapés à l’intérieur de la maison. En langue locale, elle ne cesse de crier « venez m’aider, venez, je vous en prie. Je vais finir par cuir sous ce chaud soleil. S’il vous plait, j’en ai assez pris pour cette journée ». Mais, faisant la sourde oreille, regardant un film ou jouant à leur « Ps » dernière sortie, les petits-fils de la vieille continuent imperturbable leur activité. C’est en passant par là, qu’un voisin est hélé par la vieille pour lui donner un coup de main. Devinant pratiquement ce qu’elle est en train de dire, il réussit quand-même à lui rendre ce service.

Grand-mère Jacqueline n’en est pas à son premier mépris, venant de la part des ses petits-enfants. Il est aussi des jours où, personne ne se porte garant pour lui donner son bain, ou pour aller lui acheter son petit déjeuner. Personne n’est non plus disposé à aller lui vider son pot et l’accompagner faire les 100 pas chaque soir. « C’est parce que vous ne connaissez pas ma grand-mère, elle n’est pas tout le temps comme ça, il lui arrive la plupart du temps de faire semblant. Elle cherche simplement à attirer l’attention sur elle, c’est pour cela que nous avons décidé de ne plus l’aider, parce que nous la savons capable de faire elle-même tout ce qu’elle nous demande de faire pour elle », se justifie Freddy, seulement âgé de 10 ans.

Nos premiers gardes-malade

La situation vécue par grand-mère Jacqueline, est similaire à celle vécue par de nombreuses personnes âgées à travers le monde et surtout au Cameroun. Ceux-ci sont très souvent abandonnés à eux-mêmes, sans aide aucune. Pourtant, elles sont souvent les premières personnes auxquelles nous pensons, lorsqu’il faut nous rendre service. Dans toute l’Afrique, par exemple – tout comme ailleurs – des millions d’adultes malades du Sida sont soignés à la maison par leurs parents. A leur mort, leurs enfants, orphelins (ceux de moins de 15 ans sont actuellement 14 millions dans les seuls pays africains) sont pour la plupart pris en charge par leurs grands-parents. Si c’est vrai que la situation de paupérisation dans laquelle se trouve la société camerounaise est un facteur non négligeable de « l’exclusion sociale » des personnes âgées, il n’en demeure pas moins que certains qualificatifs communément attribués aux personnes âgées, et à tort, notamment « sorciers, parasites, débiles, cons », fragilisent les liens entre les jeunes et les anciens. Or, plusieurs dispositions juridiques nationales imposent la prise en compte des besoins des personnes âgées.

Il s’agit principalement de la Constitution qui stipule que la « La nation protège les personnes âgées ». Le Code civil prévoit que les descendants ont une obligation alimentaire à l’égard des ascendants. En plus, le droit social camerounais comporte un ensemble de textes organisant la protection sociale desdites personnes. Mais cette organisation reste quantitativement et qualitativement insuffisante, car la branche assurance maladie n’est pas couverte. La sécurité sociale est considérée par l’Onu comme un droit fondamental de l’être humain. Pourtant, ils ont la possibilité de bénéficier de revenus d’assistance sociale. Les personnes âgées ne bénéficiant d’aucune pension-retraite peuvent obtenir, s’ils en font la demande, de revenus d’assistance sociale qui sont des minima sociaux. Mais très peu sont au courant qu’elles peuvent se référer aux services sociaux pour bénéficier d’une aide.

Aides d’assistance médicale

De plus, les procédures d’obtention des aides d’assistance médicale et(ou) judiciaires sont généralement longues. Les personnes âgées se plaignent entre autres de ce qu’au ministère des Affaires sociales, il n’y a aucun service chargé des personnes âgées. C’est à la sous-direction des personnes handicapées qu’on les renvoie systématiquement. « Sommes-nous donc devenus des handicapés pour notre société ? Des parias ? J’ai peine à le croire », lance peinée, maman Marie-Anne suite à ce constat. Or, selon L’Onu, aujourd’hui dans le monde, le nombre de personnes âgées de 60 ans et plus est de quelque 600 millions. Ce chiffre doublera vers 2025 et atteindra 02 milliards vers 2050, dont la majorité dans les pays en développement. Le Cameroun avec près de 20 millions d’habitants, les personnes âgées (60 ans et plus) représentent (5,5 %) de la population du pays et plus de la moitié (55%) sont des femmes. il est donc question, à l’occasion de la célébration de la journée internationale des personnes âgées ce 1er octobre 2014 sous le thème : « valorisons l’opinion des personnes âgées », de prendre conscience de l’importance des anciens au sein de notre société, et de lutter pour une amélioration sérieuse de leurs conditions de vie. Après la commémoration que fera-t-on concrètement ?

 

Florette MANEDONG
Le Messager, 2 octobre 2014

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